2 - Impact du changement climatique sur l’hydrosystème Loire (F. Moatar)
Florentina MOATAR, professeur, Laboratoire EA 6293 Géo-Hydrosystèmes Continentaux, Université François-Rabelais de Tours (37) - Impact du changement climatique sur l’hydrosystème Loire : HYDROlogie, régime thermique, QUALité (ICC-HYDROQUAL).
Plusieurs modèles mathématiques ont été mis en place afin d'étudier les évolutions actuelles (1970-2007) et futures en considérant 21 scénarios climatiques pour le milieu du siècle (2045-2065) et la fin du siècle (2080-2100).
Nous avons analysé le degré de convergence des résultats issus de deux modèles hydrologiques et exploré l'incertitude liée aux modèles climatiques par la comparaison de multiples projections. La tendance à une diminution des débits moyens et des débits d'étiage, et à un allongement des périodes de faibles débits, est partagée par les deux modèles. Cette restriction des ressources en eau, notamment aux bas débits, conduira à exacerber les questions déjà cruciales de l'usage de l'eau et de la gestion des étiages.
Un modèle thermique spatialisé capable de reproduire le régime de l'ensemble des cours d'eau par ordre de Strahler a été développé. Les augmentations de température de l'eau simulées en considérant le scénario A1B sont de l'ordre de 2 à 3 °C (en moyenne annuelle) en milieu du siècle et de 3 à 5°C en fin de siècle, avec des augmentations plus importantes pour les rivières de montagne ayant une moindre inertie thermique et pour les cours d'eau d'ordre supérieur. Le réchauffement est plus atténué pour les bassins versants dotés d'aquifères comme ceux drainant l'aquifère des calcaires de Beauce. Les simulations indiquent aussi que les descripteurs caractéristiques de températures chaudes (températures moyennes maximales sur 10 jours consécutifs, température journalière maximale..) augmentent de 1 à 2°C. On constate ainsi un avancement de la date de dépassement du seuil 16°C et une occurrence accrue des dépassements de seuil 24°C. Sur la Loire à Avoine, le nombre de jours par an pour lesquels la température de l’eau excède 24°C, passe de 15 jours à 30 jours en milieu de siècle (MS), et finalement 42 jours en fin de siècle (FS). La localisation géographique future des secteurs pour lesquels on simule une occurrence équivalente à celle simulée sur Avoine en temps présent, migre de plusieurs centaines de km vers l’amont.
Les poissons sédentaires des parties basses et moyennes appartiennent en majorité à la famille des cyprinidae et à des espèces plutôt eurythermes. Pour une grande partie de ces espèces, le seuil de reproduction est 16°C. Nous avons donc évalué la date de dépassement de ce seuil sur des profils longitudinaux de différents cours d’eau. A l’horizon 2046-2065, on simule un avancement de la date de dépassement du seuil, de 20-30 jours pour les scénarios A2 et A1B, et de 10-15 jours pour le scénario B1. A l’horizon 2081-2100, cette tendance s’accentue : 35-40 jours pour A2, 25-35 jours pour A1B, et 20-25 jours pour B1. Il ne ressort aucune tendance spatiale évidente quant à l’avancement de cette date de dépassement de seuil.
Pour le volet biogéochimie, pour les mêmes conditions d’apports diffus et ponctuels, l’eutrophisation serait fortement aggravée (accroissement de 40% de la biomasse algale moyenne à Montjean) avec des conséquences non négligeables sur la qualité de l’eau dans l’estuaire (hypoxie par exemple). Avec une généralisation de la déphosphatation des eaux usées urbaines, l’eutrophisation pourrait être fortement réduite (réduction de 40% de la biomasse algale à Montjean par rapport aux niveaux actuels).
Si ces prévisions s’avéraient exactes, il faudrait s’attendre à un bouleversement des équilibres écologiques actuels. Les changements climatiques récents ont déjà modifié les conditions de vie des poissons avec l’augmentation des températures de l’eau ces dernières années.